Trois questions à Jean-Baptiste Budjeia, auteur de La Plume et le Sabre, deux armes indissociables pour avancer sur la Voie du Guerrier.
Une interview de 2016 martelant que l’art martial et le combat ne se pratiquent ni ne se mènent seulement sur les tatami.

 

La Plume et le Sabre, deux armes indissociables pour avancer sur la Voie du Guerrier, est un premier livre. Pourtant, vous vous êtes attelé à une tâche complexe, rappelant que l’art martial est à la fois une technique de combat et une méditation philosophique, le tout s’inscrivant dans la grande Histoire. Qu’est-ce qui vous a poussé à travailler sur ces questions ?

– Il me paraissait essentiel de resituer précisément ce que vous avez décrit dans votre question. Depuis quelques années, je vais de stage en stage, je travaille avec des gens de différentes disciplines, j’échange avec des instructeurs, je me forme… et je constate que la part de pratiquants et plus encore de professeurs ayant une culture de leur art martial (et tout simplement une culture martiale), ne cesse de s’amoindrir. J’en profite pour glisser que je sais qu’en me lisant, certain(e)s me trouveront prétentieux mais j’en suis au stade où cela ne m’importe plus. Ce qui compte à mes yeux est la justesse. J’en reviens donc à mon propos initial et je vais m’attacher à être plus concret.

Bien des professeurs pensent l’art martial comme une création artistique au sens de la peinture par exemple, ignorant ou feignant d’ignorer que ce qui a été improprement traduit par « martial art » signifie en réalité littéralement « technique de guerre ». Dès lors, l’essence de la discipline n’est plus la même et l’on comprend bien qu’il y a une posture hypocrite (que je constate très souvent) à affirmer que l’art martial est une Voie de la non-violence ; l’art martial est même précisément le contraire. La question juste étant « quand le sabre doit-il être dégainé ? ».

Bien des pratiquants du XXIème siècle ne voient les arts martiaux que comme des expressions physiques, qui sont même devenues des sports. D’autres a contrario en ont fait des pratiques presque désincarnées, ne travaillant que sur les formes, ne se souciant guère du combat. Je ne dis pas que c’est bien ou mal, je ne fais que rappeler que du point de vue martial, au sens strict du terme, aucune de ces attitudes n’est juste. La vision grecque ancienne, celle de l’esthète, est la vision juste. On pourrait aussi résumer de façon un peu lapidaire cette vision par la maxime latine : Mens sana corpore sano, « Un esprit saint dans un corps sain ». La compréhension juste passe par la connaissance, le savoir. Et le savoir c’est le pouvoir ! Connaître l’Histoire, ou disons plus justement s’y intéresser et l’étudier, permet de poser les jalons nécessaires à des constructions justes. Je dis constructions car le propos dépasse très largement le seul cadre des arts martiaux. Il est social, sociétal. Nous manquons d’intelligence, nous vivons dans des sociétés qui zappent en permanence, qui artificialisent jusqu’aux relations humaines ; tout est marchandise et nous avons du mal à changer de paradigme. Pire encore, la bobocratie bien pensante a réussi à faire passer la connaissance de l’Histoire et la culture comme réactionnaires… et bourgeoises (« c’est le roquefort qui dit au camembert tu pues »). Or l’Histoire n’est pas la connaissance du passé, mais la compréhension du Présent. On veut nous empêcher de penser les choses sur le temps long et les conséquences sont dramatiques…
Pour s’assurer la docilité des uns et des autres, on créé des illusions, on verse dans ce que les aristocrates romains avaient bien compris : panem et circenses, « du pain et des jeux ».

Tout devient divertissement, superficiel, la notion d’effort devenant une valeur réactionnaire. On ne se rend même plus compte que respecter les gens passe par l’exigence (mais cela reviendrait à donner du pouvoir au Peuple…).

Alors on nous endort et on nous offre la facilité. Resituer dans la pratique contemporaine des arts martiaux, cela passe notamment par permettre à des jeunes de quatorze ans qui ont trois licences en poche (pas trois années de pratique, mais trois licences) de se présenter à leur examen de 1er Dan et de le réussir. Si si, certains fonctionnements fédéraux le permettent. Les traditionnalistes dont je suis (pas conservateurs, traditionnalistes) estiment qu’il y a là perdition et on nous oppose : « Quand on voit des jeunes au Japon ou des enfants de Japonais en Occident passer leur ceinture noire, parfois avant quatorze ans, vous ne trouvez pas ça anormal. » Puis ils rient grassement. Ma réponse est la suivante : « Les jeunes en question se prennent des mandales dans la gueule et ils n’apprennent pas le Karaté avec des frites de piscine et des cerceaux à raison de deux séances hebdomadaires d’une heure et demie… De surcroît, la Ceinture noire n’est pas, ou du moins ne devrait pas être la sanction du seul niveau technique. » Les jeunes ceintures noires auxquelles je faisais allusion, bercées d’illusions, ont-elles un début de compréhension intime de leur art martial, au-delà de la vague exécution technique d’un coup de poing ou d’une projection ? Sont-elles armées pour se préserver de « gourous » qui sévissent, aujourd’hui encore, qui maintiennent sous leur coupe des pratiquants fragiles qui leur sont complètement inféodés. J’ai vu ces choses-là, la pratique et la dérive sectaires sont une réalité.

 

– A vous lire, on a la sensation que vous parlez de pratiques religieuses fondamentalistes. Il est vrai qu’on oublie souvent que les arts martiaux traditionnels sont emprunts de religiosité, mais les religions d’Extrême-Orient ne s’apparentent-elles pas plus à des philosophies ?

– [Rires]. Pardon… Ceci est un fantasme. L’Occident a une vision idéalisée des spiritualités d’Extrême-Orient et la bobocratie new age refuse de les voir telles qu’elles sont ! Par exemple, contrairement à une idée largement répandue en Occident, le bouddhisme est une religion à part entière, au même titre que le judaïsme, le christianisme et l’islam. Je traite longuement de cette question dans le livre. Il est vrai cependant que le mode de pensée des trois monothéïsmes et des grandes religions d’Extrême-Orient est très différent. Est-ce à dire que contrairement aux premiers, les secondes sont préservées des pratiques sectaires et du fanatisme ? Non, du moins pas sans se fourvoyer lourdement. Je vais être plus direct encore. Le bouddhisme zen est l’une des religions qui a le plus imprégné les arts martiaux d’Asie, c’est en tout cas très net au Japon. Et le bouddhisme zen n’est pas un système de pensée pacifiste (autre fausse rumeur répandue en Occident). Ce qui est au cœur du zen, c’est la sérénité, la gestion des émotions, au premier rang desquels la peur de la mort. Dans le livre je développe ces questions, y compris celle de paix intérieure, d’harmonie. Dompter la peur de la mort, en faisant le Vide… C’est précisément cet aspect du zen qui sera au cœur du Bushidō, le code moral des samuraï, lequel, poussé à l’extrême, sera à l’origine du suicide rituel, le seppuku (littéralement, « s’ouvrir le ventre »). Seppuku pratiqué pour racheter une faute, laver une défaite ou accompagner son maître dans la mort. L’éviscération s’exécutant lentement, elle démontrait la maîtrise de la peur, le courage de celui qui s’infligeait un tel traitement… très zen en soi ! Et les samuraï se précipitaient en masse sur le seppuku, « librement » dirait-on aujourd’hui. Liberté dévoyée, il s’agit de servitude volontaire ! Je prends un autre exemple, lié à cette question de la servitude volontaire. Le shintō, la plus ancienne religion du Japon, est très difficile à définir. Spiritualité animiste, elle fut, parce que paternaliste, parce que rendant un culte à « tout ce qui est au-dessus », aux ancêtres, l’influence majeure du Bushidō. Et c’est la religion shintō qui sera le ciment du féodalisme nippon, de huit siècles de loi martiale et de l’institutionnalisation de la loyauté absolue à son seigneur. La liberté de se soumettre n’est qu’une liberté dévoyée, elle porte un nom, j’insiste, la servitude volontaire, laquelle justifia au Japon des pratiques fanatiques (on en revient au seppuku pratiqué pour des motifs que même les shôgun * du XVIIIème siècle jugeaient dérisoires).

Là, je viens de procéder à une critique de la religion. Ce n’est ni bien ni mal, je me répète, ce qui importe, c’est que cela soit juste. Peut-être me traitera-t-on de bouddhistophobe ou de shintophobe… Il est en effet devenu impossible aujourd’hui de critiquer la religion, surtout lorsqu’il s’agit d’islam (en tout cas pas sans se faire épingler de ce qualificatif tarte à la crème, « islamophobie », escroquerie pseudo intellectuelle du XXIème siècle). C’est inquiétant car lorsque le délit de blasphème est introduit, ou réintroduit comme nous le voyons en Occident, il est le fer de lance de la théocratie (peut-être cela prendra-t-il un siècle mais peu importe, ce qui prime, c’est jauger les éléments et les événements sur le temps long). La théocratie, même insidieuse, amène la sacralisation du pouvoir temporel, lorsque la religion elle-même, pouvoir spirituel, ne devient pas le pouvoir temporel. Ne plus pouvoir critiquer la religion revient à ne plus pouvoir au minimum critiquer un pouvoir exercer sur les consciences.

D’ailleurs, il est amusant de constater que des croyants qui n’ont plus de distance avec leur foi (ce qui est la définition du fanatisme) et les héritiers de la Loi de 1905 (ce qui relève du contre-sens) revendiquent la liberté de conscience pour avoir le droit de se soumettre… La liberté de conscience, c’est précisément la volonté de se libérer, de casser les dogmes, les obscurantismes, de faire triompher la science et la raison des croyances (donc des religions) et des superstitions. Au fond, cela amène une question essentielle, et elle vaut aussi dans les arts martiaux : la religion, disons plus largement la spiritualité, me libère-t-elle, me donne-t-elle des armes pour m’émanciper, me permet-t-elle de construire une société égalitaire sans la moindre nuance (le combat historique de la Gauche républicaine), ou a contrario, m’enferme-t-elle, me soumet-elle à des dogmes, des écrits séculaires, me réduit-elle à une identité présupposée, se servant du motif fallacieux de la liberté individuelle (la lutte historique de la Droite) ? Si j’opte pour la solution numéro 1, je choisis une « bonne nouvelle ». C’est une bonne nouvelle pour l’athée, ou même pour le croyant laïque, car il constatera que l’espace civil et politique sera préservé des incursions du pouvoir religieux, avec tout ce que cela engage. Mais c’est aussi une bonne nouvelle pour le croyant qui, libéré de la pression du dogme, cessera de se comporter en Tartuffe et vivra sa foi de manière plus personnelle, plus intime, ce qui est un gage d’authenticité. La bigoterie et l’ostentation n’ont jamais été synonymes de sincérité. Tout ceci relève du travail de prélèvement et les pratiquants d’arts martiaux comme les religieux ont de ce point de vue beaucoup à faire. Il est intéressant de noter que dans les arts martiaux, beaucoup a déjà été fait, et ce n’est pas récent. Dans La Plume et le Sabre, deux armes indissociables pour avancer sur la Voie du Guerrier, je mets en parallèle deux écrits, deux démarches, deux samuraï : Miyamoto Musashi et son Traité des cinq roues au XVIIème siècle, Tsunetomo Yamamoto et son Hagakure un siècle plus tard. Le premier a une conduite respirant la liberté (la vraie, pas une liberté dévoyée). Il n’a que faire de servir un seigneur, seul compte la victoire. Il avance sur la Voie, s’accomplit et s’émancipe à travers la pratique du sabre, mais aussi de la sculpture, de la calligraphie, de la peinture, car il opère des « transferts de compétences » lui permettant de devenir un Homme accompli (dans le jargon chevaleresque, on parle d’ « Homme supérieur »). Le second a passé sa vie inféodé à un clan, souligne la nécessité de ne pas tenir compte des pratiques militaires des clans rivaux (quel manque de pragmatisme), de veiller à tout faire pour satisfaire son seigneur et ainsi accomplir son devoir, ne manquant pas de rappeler que pour être un bon samouraï, il n’est pas nécessaire d’être courageux, « il suffit de mourir pour son seigneur. » J’aurais plutôt tendance à être sensible à la démarche du premier [sourire]. Effectivement, on ne voit plus guère de senseï ** qui attendent que leurs élèves meurent pour eux, mais l’on voit de nombreux senseï ou responsables de groupements se comporter comme des shōgun, n’enseigner que la forme pour la forme, versant dans un ésotérisme outrancier, imprégnant leur pratique d’un mysticisme dangereux, ne quittant jamais leur dōjō *** ni même ne permettant à leurs élèves de voir autre chose, et la médiatisation des compétitions et des shows sportifs a réussi sans le savoir à faire oublier que ces pratiques sectaires sont monnaie courante ! Au fond, le courant « musashiste », c’est-à-dire pragmatique, à la fois spirituel et physique, esthète, martial et culturel, est minoritaire ! C’est du moins ma conviction.

 

– Vous avez abordé des choses très différentes mais liées, et ce que j’en retiens, c’est que vous dressez un constat pessimiste, voire « décadendiste ». Ne versez-vous pas dans l’exagération ?

– J’attendais cette remarque [sourire]. « Pessimiste », « optimiste », ne sont que des adjectifs qualificatifs que l’on emploie à tour de bras sans leur accorder le moindre sens. C’est une vision manichéenne qui transpire l’influence judéo-chrétienne. Une fois encore, veuillez m’excuser si je radote, mais une seule question compte : « Est-ce juste ? ». Lorsque, et c’est véridique, en France au XXIème siècle, un professeur d’arts martiaux dit dans ses cours qu’il ne craint pas les coups de couteaux car il est en capacité de déplacer ses organes, et que le dit professeur a des élèves qui parlent de lui en ces termes : « Notre Grand maître X », il y a danger point barre ! Lorsqu’en France au XXIème siècle, le responsable d’un groupement de plus de mille personnes fait travailler, en stage officiel, des frappes à distance et qu’à cette occasion, sans avoir été touchés ou en étant à peine poussés, des élèves, des ceintures noires, des instructeurs, font des bonds de six mètres en arrière, il y a danger ! Et ces phénomènes sont loin d’être marginaux.

Vous semblez me traiter de réactionnaire parce que j’évoque une décadence. Je vais vous répondre comme suit : la vérité est une question éminemment philosophique, chacun détient sa vérité. Aussi la vérité ne m’intéresse que très peu. Ce qui m’intéresse, c’est la réalité ! Nier une réalité ne l’annihile que dans l’esprit de celui qui nie cette réalité.

Me concernant, je suis en prise directe avec le réel. C’est d’ailleurs ce qui m’intéresse dans le zen, « être ici et maintenant ! ». Nous vivons une crise économique extrêmement grave. Si nous étudions les archives et accessoirement l’Histoire, on nous dit depuis quarante ans « c’est la crise ». Le chômage est un fléau hallucinant, il atteint des taux record chez les jeunes, y compris diplômés, mais aussi chez des séniors jetés comme des vieilles chaussettes trouées. Des gens se demandent si leurs enfants de trente ans ne vont pas vivre moins bien qu’eux, et ces mêmes trentenaires constatent à leur tour que leurs propres enfants vivront probablement moins bien encore qu’eux. On nous laisse le choix entre le chômage de masse et le salariat pauvre. Donc crise économique ! Culturellement maintenant. Contrairement aux mensonges éhontés que l’on balance ici et là, les capacités de lecture et d’écriture ont fortement décliné ces dernières années. Y compris chez des adultes par ailleurs. J’ai été enseignant un très court laps de temps, et j’ai plus de dix ans d’expérience de la formation dans les métiers de l’animation. Quand vous voyez des gens, de onze à quarante ans, qui ne savent pas lire, qui sont incapables d’écrire correctement, vous ne pouvez qu’être ulcéré d’entendre des ministres et des journalistes (qui sont les premiers à ne pas savoir s’exprimer correctement) nier ces réalités ! Dans le Cinéma, la Musique, de moins en moins de nouveautés, de plus en plus de remakes, de remix, de déclinaisons maquillées de classiques, c’est triste, et inquiétant. Nous vivons bien une crise culturelle. Enfin, le retour en force dans l’espace public du fait religieux, les tentatives de réintroduction du délit de blasphème, les reculs hallucinants dont sont victimes les femmes et les accommodements déraisonnables de la Ministre de l’Education nationale sont bien plus que des alertes. Dans ses bien mal nommés « Cahiers de la Laïcité », Nadjat Vallaud-Belkacem écrit (ou fait écrire) que lors d’un enseignement dans l’Ecole publique, l’Ecole républicaine, si un élève entre en contradiction avec le dit enseignement ou notifie un refus au motif de sa religion, l’enseignement scientifique ne doit pas être placé au-dessus de la croyance.

Placer la superstition et la croyance (donc l’enfermement de l’esprit) à égalité de la raison et de la science au sein de l’Ecole de la République, quand on est une ministre de Gauche, il fallait oser !

A l’Ecole désormais, on ne doit plus évaluer des connaissances, mais des compétences. C’est gravissime ! Le rôle de l’Ecole est justement de permettre l’éveil spirituel, la réflexion, pour parvenir à l’émancipation, non de faire des exécutants au service de Monsieur Gattaz ! Donc crise sociétale. Effectivement, l’accumulation des crises, leur juxtaposition les unes sur les autres, portent un nom : la décadence ! Les Troyens se sont ri de Cassandre, et pourtant… (Les mythes sont riches d’enseignements, y compris dans les arts martiaux !) Le pratiquant d’arts martiaux doit regarder la réalité en face. Je ne regarde pas le monde tel que je voudrais qu’il soit, mais tel qu’il est. Changer le monde (un vieux rêve, aussi vieux que de le conquérir), nécessite au préalable de faire un diagnostic juste… Pour poser un remède juste. Depuis des années, on nie que l’économie est torpillée par la toute puissante finance internationale, que les droits sociaux sont massacrés par des politiques au service des circuits boursiers, que les progrès sociétaux et les victoires féministes sont sacrifiés par clientélisme politique sur l’autel du relativisme cultuel, le tout conduisant à générer des situations explosives ! Nous sommes dans une poudrière, nous ne vivons plus ensemble, nous vivons les uns à côté des autres. Nous sommes à la veille de grands bouleversements qui sont la résultante de problèmes qui ont au moins quarante ans (encore et toujours, ayons l’intelligence d’observer et d’analyser les choses sur le temps long). L’art martial ne se limite pas à donner des coups de pieds sur un ring ou un tatami. L’essentiel se joue dans ce que je viens de dire et c’est central dans mon livre. Il est du rôle du pratiquant d’arts martiaux traditionnels de prendre en compte cette réalité complexe, de se positionner et le cas échéant d’être un recours. Il doit remplir son rôle de « guerrier éclairé ».

 

* Dictateurs militaires du Japon féodal. La féodalité nippone prend fin en 1868 avec la Restauration Meiji.

** Littéralement, « celui qui précède » ; en l’occurrence le professeur.

*** Littéralement, « lieu d’étude de la Voie »

Trois questions à Réni Musset-Budjeia, illustratrice

 

– Réni, vous avez réalisé un très beau travail d’illustration, voyageant, par le biais du crayon, de la Grèce au Japon. On est surpris de la précision des gravures, ce qui atteste un important travail de recherches. Comment avez-vous procédé ?

– J’ai recherché des informations et des documents iconographiques dans mes livres universitaires, sur Internet. Je me suis longuement documentée avant de faire le choix des illustrations que j’ai d’abord réalisées au brouillon pour pouvoir travailler le rendu.
Réaliser les cartes a été assez facile et j’y ai pris beaucoup de plaisir. L’illustration la plus compliquée était celle de la couverture qui a exigé un travail de conception et de réalisation plus long. Effectivement, elle fut plus longue à dessiner, c’est une illustration plus détaillée et pour le samouraï, il a fallu comparer les formes et les couleurs des armures d’époque et rendre au plus juste la posture du guerrier ; pour cela, j’ai du rechercher des photos dans les livres d’arts martiaux et l’auteur a posé pour moi [rires] avec son katana (sabre japonais). Sur la couverture, on retrouve un symbole japonais traditionnel, la branche de cerisier. La fleur de cerisier représente la vie éphémère interrompue par la mort que le samouraï doit constamment affronter. Le soleil levant est aussi une évocation symbolique du Japon. Il était donc important que ces trois éléments viennent illustrer la couverture d’un livre qui parle de l’Histoire et de la Philosophie de l’Art guerrier japonais. Mais je suis très contente du résultat : imaginer ce dessin de couverture a été un défi que j’ai réussi à relever.

 

– Comme le nom l’indique, les illustrations permettent de traduire par l’image les mots couchés par l’auteur sur le papier. On peut supposer que vous avez été doublement « bridée », si vous nous permettez cette expression ? Est-ce le cas ou avez-vous pu laisser s’exprimer votre créativité ?

– J’ai dû tenir compte des souhaits de l’auteur concernant les illustrations qui apparaissent dans le livre (thèmes, nombre), mais j’ai choisi librement la forme des cartes et des dessins que j’ai réalisés sans aucune contrainte.
J’ai pu décider des supports et matériaux que j’ai utilisés pour la réalisation des illustrations : papier dessin, fusain, crayons de couleur aquarellables. Certaines photos appartiennent au domaine public mais on été retouchées par mes soins pour un rendu plus artistique, en Noir et Blanc. Les photos illustrant les techniques de Karaté-Jutsu ont été prises par Caroline Liebert et François Boudet et également retouchées pour obtenir une esthétique Noir et Blanc.

 

– Vous êtes professeur d’Histoire – Géographie. Cela a-t-il eu une incidence dans votre choix de vous investir dans ce projet ?

– Oui et non [rires]. La réponse de Normand [rires]. Ma formation d’historienne-géographe m’a aidé de par mes connaissances et les quelques cartes que j’avais déjà réalisées. Mais ce n’est pas cela qui m’a directement poussé à m’investir dans ce projet. J’ai choisi d’en faire partie car l’auteur me l’a demandé [rires] et car il s’agissait pour moi d’un travail inédit qui a réveillé ma curiosité et m’a donné envie de relever le défi.